Plus de commentaires sur la dégustation du 2015 à Bordeaux
Le millésime 2015 est une année très excitante à Bordeaux, offrant des vins avec un caractère de fruit exubérant et plein de tannins mûrs leur donnant forme et tension. Ils ont pour la majorité un caractère de fruit mûr qui est unique et qui reste frais.
Ce n’est par contre pas le cas pour tout le vignoble bordelais à cause des complications causées par des pluies intermittentes en août, septembre et octobre qui ont rendu la viticulture plus difficile dans les appellations au nord de Margaux. Les meilleurs châteaux ont tout de même réussi à produire des vins d’exception grâce à un soin méticuleux porté à la vigne et au chai.
Le millésime n’est pas très homogène. Certains châteaux ont produit des vins meilleurs que leur 2009 ou 2010. D’autres on fait des vins se rapprochant de leur 1996 ou 2004. Des noms respectés du Médoc ont produit des vins moins bons qu’en 2014. Certains petits producteurs de la rive droite ont produits des vins aussi bons voire meilleurs que certains noms réputés. Cela n’enlève rien à la fascination qui règne autour de ce millésime.
Afin de produire les meilleurs vins, les producteurs ont moins besoin d’extraire durant la fermentation et la macération et d’utiliser, de manière générale, moins de bois neuf. En 2015, l’accent est mis sur la production de vins avec finesse et longueur – d’authentiques Bordeaux. Cela semble être l’objectif de la majorité des producteurs pour ce millésime. Attendons de voir comment le vin évoluera après les 12 -14 mois de passage en barrique à venir pour en être fixé.
Les vins à majorité merlot offrent des qualités exceptionnelles et font partie de mes coups de cœur de dégustation parmi les 750 vins dégustés sur 3 semaines à Bordeaux. Les meilleures appellations sont Pomerol et St.-Emilion bien que Pessac- Léognan et Margaux soient très proches derrière. Beaucoup de plus petites appellations ont excellé cette année notamment Lalande-de-Pomerol et Fronsac.
Les grands châteaux du Médoc ont en général produit des vins de grande qualité malgré certains problèmes de pluie avant et après les vendanges. Mais les appellations au nord de Margaux ont toutefois dû faire face à une pluviométrie bien plus importante que sur le reste du vignoble bordelais.
Je ne peux penser à un autre millésime ayant produit des vins de la sorte dans ma carrière de critique des vins comptant 33 années de dégustation de Bordeaux en primeur. Ce n’est pas dans la même ligne que les grands millésimes récents comme 2009, 2010 ou 2005. Dans ces millésimes, le succès avait été généralisé sur tout le vignoble bordelais et la période de croissance de la vigne avait été idéale dans chaque appellation.
Ce millésime reste dans tous les cas exceptionnel pour Bordeaux. C’en est un que je me réjouis d’acheter du fait de la qualité indéniable d’un si grand nombre de vins. Tant de vins excitant on été produits – rouge, blanc sec et liquoreux.
Il est évidemment difficile de généraliser sur le millésime et de le comparer à des années précédentes. Bien que je ne l’aie pas dégusté en barrique, les vins de la rive droite pourraient évoluer comme l’excellent 1971 ou même peut-être être encore mieux. Les vins de ce millésime de Petrus, Lafleur ou Cheval Blanc font partie des classiques et sont encore fantastiques à la dégustation aujourd’hui. Le millésime avait été marqué par des températures chaudes et des pluies juste avant les vendanges. C’était clairement une grande année pour la rive droite.
Le Millésime 1998 favorisant la rive droite et une autre année qui me vient à l’esprit et la pluie avait également affecté la qualité des vins de la rive gauche. Néanmoins, les 2015 ne montrent pas un style aussi traditionnel et tannique et la rive gauche produit de meilleurs vins en 2015 qu’à l’époque.
J’aime également comparer 2015 à un nouveau 1995 pour la rive droite, Pessac-Léognan et Margaux et à 1996 pour le nord Médoc. Cette dernière avait été affectée par la pluie et seulement le nord Médoc avait produit des vins exceptionnels. Le millésime 1995 a produit de grands vins à Bordeaux, particulièrement sur la rive droite.
Evidemment, les comparaisons et généralisations pour ce millésime dans sa globalité sont difficiles à faire. Peut-être est-ce pourquoi je suis tant intrigué par ce millésime ?
Les vins de 2015 sont magnifiques pour tant de raisons. J’aime le fait qu’ils soient marqués par le terroir et non essentiellement par la maturité des raisins de cette année. La plupart des producteurs m’ont confié que le niveau d’alcool est en dessous du dernier grand millésime – 2010. Cependant les tannins restent conséquents et mûrs. L’acidité est moyenne. Un des producteurs de Pomerol décrit ses 2015 comme « chaud à l’intérieur et froid à l’extérieur ».
Au final, j’ai eu beaucoup de plaisir à déguster les 2015 en barrique cette année. Il semble que ces derniers confirment les paroles que me confiait le grand œnologue Emile Peynaud quand j’ai commencé à déguster en primeur en 1983. Il disait toujours que les grands vins sont déjà grands et pratiquement « déjà buvables » lors des dégustations en primeur. J’ai ressenti cela pour ce millésime après avoir dégusté un grand nombre d’échantillons. C’est une année exceptionnelle avec beaucoup de charisme.
Afin de lire les notes de dégustation des 750 vins, vous devez être membre du site. Les vins ont été dégustés du 15 Mars au 4 Avril à Bordeaux directement aux châteaux, chez les négociants et dans ma salle de dégustation. Tous les vins ont été notés sur une échelle à 2 points utilisant le système 100 points car ce sont des vins qui ne sont pas finis. J’ai 8 scores parfaits de 100-100 enregistrés au total : Canon, Lafleur, La Mission Haut-Brion, Margaux, Pétrus, Trotanoy, Pavie and Ausone. Mais bien d’autres vins extraordinaires sont disponibles en 2015.
Photos de haut en bas : Dégustation à Tour Saint Christophe avec le propriétaire Peter Kwok; Château Ausone St.-Emilion 2015; Château Canon St.-Emilion 2015; Château Palmer Margaux 2015 et Château d’Yquem Sauternes 2015